À la rencontre du réseau LCDD #10 : Autour du 1er mai

Pour Autour du 1er mai, le cinéma est un terrain propice pour nourrir des interrogations multiples face à la réalité complexe du monde. En répertoriant dans ses bases thématiques des films vecteurs et témoins de la transformation sociale, elle mène un travail d'éducation populaire par le cinéma. Stéphanie Legrand et Sophie Gergaud travaillent toutes les deux dans les bureaux parisiens d'Autour du 1er mai, à deux pas du Majestic Bastille où ont lieu une partie des projections de l'association. Entretien.

Comment a été créée l’association Autour du 1er mai ?

SL : Au moment des grandes grèves des cheminots du milieu des années 1990, beaucoup de personnes avaient pris la caméra pour filmer ces luttes. Au fil du temps, on a perdu la trace d’une partie de ces films. L’association Autour du 1er mai est née de la volonté de garder ces images témoignant de la mémoire d’une époque ou d’une lutte afin de continuer à les voir, en discuter, en débattre. Sylvie Dreyfus-Alphandéry, la fondatrice, a voulu créer un espace pour recenser des films « fragiles », méconnus, disparus ou presque. Aujourd’hui, Autour du 1er mai vise toujours à montrer le cinéma dans toute sa diversité et à aider quiconque le souhaite à le partager. Nous pensons que celui-ci est un formidable outil pour comprendre le monde, le regarder différemment et le transformer.

De quelle manière agissez-vous pour recenser ces films ?

SL : Autour du 1er mai a une vocation d’éducation populaire. Notre objectif est que chacun.e puisse s’emparer de l’outil projection/rencontre dans le cadre de ciné-clubs, de plaidoyer ou de rencontres citoyennes. Pour cela, nous avons notre base Cinéma et société qui recense les films en lien avec les luttes sociales et renseigne les informations génériques, les ayants droit lorsque cela est possible et des ressources complémentaires (entretiens, dossier de presse, ouvrages…). Elle permet de faciliter le processus de diffusion pour les structures voulant organiser une projection et de sensibiliser sur les questions de droits à la diffusion. Nous travaillons principalement avec des structures de la société civile dont la vocation première n’est pas de projeter des films. Pourtant, les structures comme Attac ou Le Collectif pour une transition citoyenne ont conscience de l’intérêt que le cinéma peut avoir pour initier des discussions et élargir leur public. Il est nécessaire de les guider pour rendre réalisables et faciles leurs envies de partager des films.

Autour du 1er mai organise elle-même des projections ?

SL : Oui, nous organisons aussi des cycles de projections en notre nom propre : les Rencontres cinéma et société, chaque année à Tulle, et le rendez-vous l’Écran des droits, que nous co-organisons au Majestic Bastille. En fin d'année dernière, nous avons créé un nouveau cycle qui s'appelle La Discut’ au cinéma de Tulle, le Véo. Elles ont lieu une fois par mois et présentent un film récemment sorti en salles ou repéré dans le maillage des festivals de cinéma de Nouvelle Aquitaine. Ces projections donnent lieu à des discussions conviviales dans le café du cinéma. L'idée est de fidéliser un noyau de public qui par la suite pourra devenir force de proposition pour la programmation. Le prochain rendez-vous La Discut’ aura lieu le 3 mai autour du film Ithaka - Le combat pour libérer Assange. La séance sera suivie d’un échange avec Laurent Dauré, journaliste indépendant et d’une conférence de presse pour présenter la prochaine édition de notre festival des Rencontres cinéma et société. Le 3 mai est aussi la journée mondiale de la liberté de la presse, les planètes se sont alignées pour le choix de la date !

L’association propose des actions de diffusion à la fois à Tulle et à Paris ?

SL : Oui. Elle a été créée en Corrèze en compagnonnage avec une association de Tulle : Peuple et culture. Une association d'éducation populaire qui projetait déjà du cinéma, notamment en milieu rural, en promenant des écrans et vidéoprojecteurs dans des petites salles de campagne. Les quinze premières éditions du festival se sont faites avec Peuple et culture. Les activités de projection d'Autour du 1er mai sont donc nées en Corrèze puis se sont développées à Paris par la suite. Les projections parisiennes ont lieu au Majestic Bastille, en général le premier dimanche du mois, en partenariat avec la Ligue des droits de l'homme, Amnesty International et l'Observatoire international des prisons. Là aussi, nous montrons un film récemment sorti en salles en présence de l'équipe du film et autour des thématiques des droits humains.

Pouvez-vous en dire plus sur votre festival ?

SL : Les Rencontres cinéma et société est un festival non-compétitif qui a lieu en Corrèze, à Tulle et ses alentours au mois de septembre. Chaque année, il explore une thématique grâce à une sélection de films documentaires et de fiction. Cette année, pour sa dix-neuvième édition, la thématique portera sur les médias et la fabrique de l’information. Nous avons déjà abordé de multiples thèmes de société qui permettent de montrer le cinéma dans toute sa diversité : le sport, la justice, le féminisme, les utopies, le Front populaire, le monde agricole… Nous avons un partenariat avec les archives du CNC nous permettant de dédier une ou deux séances aux films de patrimoine, nous programmons des films réalisés dans un cadre professionnel et non professionnel, des grands classiques… A l’origine, le festival avait lieu en mai, d’où le nom de l’association qui est aussi un clin d'œil à la fête du travail et aux thématiques sociales qui nous tiennent à cœur. Nous avons dû le déplacer au mois de septembre mais continuons d'organiser une séance autour du 1er mai qui permet de présenter le festival.

 

 

Qui travaille pour l’association ?

SL : Je suis Stéphanie Legrand, la déléguée générale. J'ai longtemps été la seule salariée et m'occupais de toute la vie administrative de l'association. Je suis de près le fonctionnement de l’association, la programmation et je m’occupe aussi du festival. Nous avons un réseau de bénévoles très actif qui participe à la programmation et nous aide pour les partenariats. J’ai été rejointe par Sophie il y a trois ans. Killian Groult est quant à lui basé à Tulle et s’occupe d’organiser et d’animer les séances La Discut’.

SG : Je suis Sophie Gergaud, programmatrice cinéma et documentaliste audiovisuelle. Je suis arrivée dans l'association lors de la création de la deuxième base -  la base Tessa - qui se concentre sur les initiatives de la transition et de l'économie sociale et solidaire.

Quelle est la différence entre la base Tessa et la base Cinéma et société ?

SG : La spécificité de la base Tessa, c'est qu’il s’agit de films qui parlent d'initiatives qui émanent de l'économie sociale et solidaire, mais aussi qui montrent des initiatives concrètes et positives pour la transition plutôt que de simplement dénoncer ce qui ne va pas. Il faut que des actions concrètes et collectives soient dépeintes dans le film. Elle a été créée pour inspirer. On l'alimente régulièrement.

L’idée c’est de montrer ce qui existe déjà en terme d’alternatives inspirantes, et parfois depuis longtemps. C’est stimulant d’aller piocher dans la base des films plus anciens, oubliés, et de les mettre en regard avec des films récents.

De quelle manière ces deux bases sont-elles alimentées ?

SG : Le réseau de bénévoles est très actif à ce niveau – actives d'ailleurs, puisque qu’il s’agit majoritairement de femmes. Elles nous suggèrent des films, et de notre côté nous en repérons lors de festivals. En ce qui concerne la base Tessa, un appel à film permanent est ouvert sur notre site. Les personnes actives dans les réseaux de l’économie sociale et solidaire ayant des propositions de films à ajouter sont les bienvenues pour nous contacter. L’objectif est celui d’un dialogue permanent. 

Est-il possible de visionner les films de vos bases en dehors de projections organisées ?

SG : Lorsque les films sont accessibles en ligne légalement, nous ajoutons le lien systématiquement dans nos bases. Ensuite, dans les filmographies mensuelles que nous proposons autour d’un sujet d’actualité ou en lien avec l’un de nos partenaires, nous essayons toujours d’inclure des films qui sont accessibles, parfois gratuitement, pour ne pas frustrer les lecteur·rices. L’objectif est avant tout de donner envie de les programmer. Même s’ils ne sont pas tous visibles en ligne, ni dans l'actualité des programmations des salles de cinéma, la filmographie permet de les faire exister quelque part.

Depuis quand Autour du 1er mai est membre du réseau et qu’est-ce que cela vous apporte ?

SL : Nous avons intégré le réseau LCDD en 2018. Depuis, la Cinémathèque du documentaire nous a beaucoup aidés, à la fois financièrement et en termes de ressources. Nous avons pu avoir une Escale sur Tënk au moment de la dernière édition de notre festival intitulée « Il va y avoir du sport » ce qui lui a donné un écho national. La force du réseau LCDD, c’est aussi de pouvoir lancer des discussions et sensibiliser sur les questions de diffusion du documentaire. Lorsque nous sommes entrés dans le réseau, la convention que nous avons signée stipulait que les cinéastes invités lors des rencontres devaient être rémunérés, ce que nous ne faisions pas encore à l’époque. Nous avons pris conscience de l’importance de cela en consultant les publications d'ADDOC à ce propos. Nous avons vite été convaincus et avons suivi cette recommandation qui nous paraît aujourd’hui évidente. Pourtant, elle ne l’est visiblement pas encore aux yeux de tous ! Nous avons récemment conseillé un partenaire à ce propos. Il est bénéfique d’avoir la force d’un réseau derrière soi pour sensibiliser sur ces questions.

 

Bonus :

L'équipe d'Autour du 1er mai propose ses 5 films coups de cœur de sa base Cinéma et société. Courts et longs métrages, films collectifs, films d'animations... Images de manifestions, de luttes sociales ou du quotidien... découvrez la diversité des films répertoriés dans cette base :

v
v

Entretien réalisé par Agathe Boidé, volontaire en service civique à la Cinémathèque du documentaire. 

Date de mise à jour :