À la rencontre du réseau LCDD #11 : Guilhem Brouillet de DOC-Cévennes

Tous les ans au moment du week-end de l'Ascension, le Festival international du documentaire de Lasalle rassemble autour de projections documentaires, rencontres avec les équipes, débats et concerts. Il est organisé par DOC-Cévennes, projet chapeauté par l'association Champ-Contrechamp. Alors que la 23ème édition du festival ouvre ses portes le 8 mai prochain, Guilhem Brouillet, programmateur et coordinateur du réseau de programmation DOC-Cévennes présente les activités de l'association.

Qu'est-ce que DOC-Cévennes ?

DOC-Cévennes est un projet créé par l’association Champ-contrechamps. C’est à la fois un festival de documentaire qui se tient tous les ans à Lasalle dans le Gard, et un réseau de diffusion de documentaires en Cévennes. Le réseau DOC-Cévennes se constitue d’une trentaine de lieux répartis sur les quatre départements de l’Aveyron, du Gard, de l’Hérault et de la Lozère. Il y a des associations, des établissements scolaires, des médiathèques, des universités, des exploitants…

Pourquoi avoir créé ce réseau ?

Le réseau DOC-Cévennes sert avant tout à créer du lien entre des structures qui travaillaient jusqu’alors de manière isolée sur le territoire cévenol. On encourage chacun.e à s’intéresser aux programmations des autres et à collaborer. Notre rôle est celui de coordination au niveau local : que les programmateur.ices soient au courant des projets des autres afin de mutualiser les forces et de proposer des circulations d’invité.e.s et cinéastes par exemple. Collectivement, on a plus de moyens !

Quel est le rôle de l’association concernant les choix des programmations ?

C’est souvent un sujet de débat et de crainte lorsqu’un réseau se crée. Il n’est pas question d’imposer des programmations au réseau de DOC-Cévennes mais au contraire de recevoir les propositions des programmateur.ices membres et d’y répondre au mieux. Deux ou trois fois par an, nous organisons des réunions afin de discuter des programmations à venir de chacun.e, de leurs envies… Lorsque des envies similaires émergent, on peut mettre en place des collaborations et réfléchir à inviter des intervenant.e.s. Lorsque les envies de programmations sont floues, nous aidons à les clarifier en proposant des idées de films. Il nous arrive aussi de faire des propositions de programmation aux membres de notre réseau, mais nous voulons avant tout répondre aux demandes. Cela fait six ans que le réseau existe. Son fonctionnement s’est fait à tâtons et s’organise progressivement, mais on se rend compte que de plus en plus de collaborations se créent. Les adhérents deviennent plus autonomes et commencent à se solliciter directement, sans l’intervention de DOC-Cévennes. C’est bon signe !

Des exemples d’évènements qui ont été possibles grâce au réseau ?

En avril s’est tenu le festival Vues du Québec à Florac. Trois séances hors les murs ont été programmées à Montpellier et dans les Cévennes pour présenter le film Jacques de Lysandre Leduc-Boudreau. La réalisatrice a été invitée pour accompagner ces séances grâce au réseau. Elle venait du Québec, les frais de transport et d’hébergement conséquents ont pu être divisés entre les associations et structures qui ont accueilli la rencontre. DOC-Cévennes a pris en charge le voyage de l'invitée ainsi qu'une partie des droits du film, tandis que les associations et structures qui ont accueilli la rencontre se sont partagé les autres frais.

Combien de projections ont lieu au sein du réseau DOC-Cévennes ?

En 2023, le réseau DOC-Cévennes a organisé presque 100 séances et a frôlé les 5000 spectateur.ices. On se rapproche de plus en plus des entrées générées par le festival DOC-Cévennes qui est autour des 7000. C’est encourageant !

réseau doc cévennes
Le festival DOC-Cévennes a lieu tous les ans au mois de mai, que pouvez-vous dire de la prochaine édition ?

Cette année, le festival DOC-Cévennes se tiendra du 8 au 11 mai sous une forme un peu réduite par rapport à l’année précédente. 46 films sélectionnés, dont 8 premières et 2 avant-premières, et plus de 50 invité.es présent.es. Mais aussi des rencontres pro et des ateliers, 1 ciné-concert, des soirées festives... Toute la programmation est en ligne ! Pour ce qui est de la thématique qui est en réalité plus une dimension éditoriale que de programmation, on est parti de l'idée d'une "bouteille à la mer".

 

Un geste à la fois de désespoir et d'espoir. Au programme, un focus Québec en présence du musicien et réalisateur Richard Desjardins qui viendra présenter son film Chip Chip : Chopin par Desjardins, un focus FIFAC (Festival International du Film documentaire Amazonie Caraïbe) et un focus EURODOC pour célébrer les 25 ans de la structure créée à Montpellier et dont l’histoire est liée à celle de DOC-Cévennes. L’équipe du film Knit’s Island (labellisé Oh My Doc! ndlr) – dont la post-production a été faite à Alès – sera présente également à l'occasion d’une projection du film.

Pourquoi avez-vous dû réduire le nombre de séances du festival ?

En 2020, tout a été mis en suspens à cause de la crise du Covid. En 2021, le festival a eu lieu mais a dû être déplacé en juillet ce qui a provoqué une baisse de fréquentation de 50%. Le déficit a été conséquent pour notre association qui a toujours du mal à s’en remettre. Le coup de grâce a été celui de 2023 où nos propres financeurs ont causé notre déficit en réduisant leurs subventions, en plus de la forte inflation. Nous fonctionnons à effectif réduit et nous nous appuyons beaucoup sur nos bénévoles qui sont essentiels au fonctionnement du festival. Malheureusement, nous arrivons à une usure de ces bénévoles qui ne sont plus aussi nombreux.ses qu’avant le Covid. Nous sommes dans une ambiance globale de fatigue et de repli. Électoralement, la région Occitanie est sur le point de basculer à l’extrême droite. C’est une véritable erreur stratégique de la part des élu.es actuel.les de faire le choix de couper les subventions à la culture qu’ils considèrent comme non essentielle. La culture est essentielle dans son rôle d’éducation populaire et d’aide à la compréhension des complexités du monde. Le documentaire est un rempart face aux idées simplistes et dangereuses de l’extrême droite.

Etes-vous inquiet pour l’avenir du festival DOC-Cévennes ?

Cette édition va être particulière. Elle sera déterminante pour l’avenir du festival. La question que l’on se pose est la suivante : est ce qu’en amputant le festival d’un quart de sa programmation, celui-ci va survivre, ou bien le problème est-il plus profond ? Quoi qu’il arrive, nous organiserons quelque chose l’an prochain, mais on ne souhaite pas se forcer à continuer le festival dans ces conditions de déficit et d’épuisement des équipes.

En plus du festival et du réseau, DOC-Cévennes propose d’autres activités en lien avec le documentaire ?

En effet, nous développons notamment les ateliers Passeurs d'images. Des ateliers hors temps scolaire plutôt destinés aux adolescents. Nous nous efforçons de faire interagir le festival et des ateliers d’éducation à l’image et proposons également quelques séances hors les murs.

Les chemins du doc

Quel a été le rôle de la Cinémathèque du documentaire dans la création du réseau ?

Sans l’aide de la Cinémathèque du documentaire, le réseau DOC-Cévennes n’aurait pas pu exister. Elle avait apporté 70% du budget à l’époque de sa création. Nous avons pu prouver aux acteurs régionaux qu’il est possible de travailler en réseau à échelle locale, en mutualisant les moyens. Ce fonctionnement est bénéfique pour tout le monde. D’une certaine manière, le réseau DOC-Cévennes fait le même travail au niveau local que LCDD le fait au niveau national. C’est important d’avoir des têtes de réseau au niveau régional. Nous espérons que ce système puisse se développer aussi dans d’autres régions.

 

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